Appel à communication

Cultures et imaginaires de l’adolescence

 

Colloque international et pluridisciplinaire co-organisé par Elisabeth Lamothe, Delphine Letort (Université du Maine, 3L.AM), et Heather Braun (Université d’Akron, Ohio) dans le cadre du programme régional EnJeu(x)

 

Université du Maine-Le Mans

23 et 24 juin 2016

 

            Identifiés comme une nouvelle catégorie sociale après la Seconde Guerre mondiale, les adolescents constituent une tranche d’âge privilégiée sur le marché de la consommation. Alors que les produits culturels offerts aux adolescents se sont diversifiés, des professionnels se sont formés pour définir les stratégies éducatives parentales et scolaires censées préparer les jeunes à assumer pleinement leurs responsabilités d’adultes.

            Animés par un désir de rébellion contre des règles sociales coercitives, les mouvements de contestation initiés par les jeunes permettent à ces derniers d’élaborer leur propre contre-culture et de mener des expériences, qui passent parfois par la formation de gangs. Thomas Doherty a souligné la spécificité de ce qu’il appelle une « contraculture », par opposition à « contreculture », établissant la différence entre la dimension locale des gangs d’adolescents et l’ampleur nationale des mouvements initiés par les jeunes dans les années 1960, avec leur cortège de remises en question des valeurs dominantes par l’adoption de modes de vie alternatifs (Teenagers and Teenpics, The Juvenilization of American Movies, 38). L’auteur postule qu’en Occident, les adolescents possèdent leur propre culture, définie par réaction aux normes de la culture dominante et développée selon la logique du conflit.

            Plus récemment toutefois, on a pu constater que la culture des jeunes est devenue une valeur partagée par le plus grand nombre et qu’elle constitue un point de ralliement transgénérationnel. Toute une génération a grandi en s’identifiant aux figures tutélaires issues des sagas Harry Potter et Twilight, avec adaptations cinématographiques à succès à l’appui. Même les productions dystopiques telles que The Hunger Games révèlent l’intérêt du grand public pour les protagonistes adolescents et leurs visions du monde. La littérature pour jeunes adultes est un genre soulevant de nombreuses questions ; elle fait débat parmi les critiques littéraires: qui devrait (ou ne devrait pas) la lire? Le genre favorise-t-il les expérimentations et contribue-t-il à renouveler les conventions littéraires et théoriques analysées par Nathalie Prince (La Littérature de jeunesse, 2010)? De la littérature pour adolescents apparue au cours du siècle précédent avec des œuvres aussi connues que L’Accroche Coeur (J.D. Salinger, 1951) et Outsiders (S.E. Hinton, 1967) aux romans contemporains destinés aux jeunes adultes tels que Nos étoiles contraires (John Greene, 2012) et Eleanor et Park (Rainbow Rowell, 2013), le genre a évolué avec le temps, mettant l’accent sur des narrateurs à la première personne qui entrent dans, traversent, ou sont sur le point de sortir de cette période particulière de l’adolescence.

            Notre colloque s’intéressera aux objets culturels – séries télévisées, films, romans pour jeunes adultes, etc – destinés non seulement aux adolescents mais aussi à un public de plus en plus large, et il explorera les images des adolescents : si le regard poétique et critique des jeunes sur le monde est souvent idéalisé, la figure de l’adolescent renvoie également à un ensemble de problèmes à résoudre (drogues, conduite à risques, résistance à l’autorité, troubles comportementaux). Nous encourageons les chercheurs à interroger le traitement de ces sujets dans la littérature, la musique et les productions filmiques contemporaines (fictionnelles ou documentaires), mais aussi dans les arts visuels tels que la photographie.

 

Les pistes de recherche envisagées sont nombreuses et peuvent inclure :

 

-       les structures narratives des séries pour adolescents (Buffy contre les vampires, Veronica Mars, Nouvelle Génération, Charmed, Misfits, etc.), des films pour adolescents (films d’horreur, films fantastiques etc.); les valeurs qu’ils véhiculent par la représentation (des filles, de la sexualité, des valeurs de consommation etc.) et les thèmes abordés (la violence, les inégalités entre les sexes etc) ; les espaces et lieux associés à l’adolescence (l’école, la rue, la maison, la banlieue ou le quartier, la blogosphere)

 

-       le développement du marché de la littérature pour adolescents (la “chick lit” ou littérature pour filles, la “bit lit”) et leur influence sur les travaux universitaires traitant de ces questions (Le Monde de Charlie, Stephen Chbosky, 1999; Nos étoiles contraires,John Green, 2012 ; Outsiders, S.E. Hinton, 1967 ; Wonder, R.J. Palacio, 2012, etc.) ; les adaptations cinématographiques (Paranoid Park, Gus Van Sant, 2007 ; La vie devant ses yeux, Vadim Perelman, 2008 ; Clueless, Amy Heckerling, 1995; Nos étoiles contraires, Josh Boone, 2014…)

 

-       le développement des études sur les filles (girlhood studies) et les outils que ce nouveau champ d’études constitue pour l’analyse de la culture et des arts destinés aux jeunes adultes.

 

-       les vedettes adolescentes (Justin Bieber, Violetta, etc) et les modèles qu’elles représentent (Lindsay Lohan dans Lolita malgré moi, Emma Watson dans The Bling Ring) ; les stéréotypes adolescents dans les séries télévisées (The Wire, The Leftovers…), les émissions de téléréalité (La Nouvelle Star) et les films d’auteur (Larry Clark, Gus Van Sant, Sofia Coppola, Laurent Cantet, etc.)

 

-       la représentation de l’adolescence dans la littérature multiculturelle et les questions liées à l’entre-deux, la biculturalité (Anne Mazer, Going Where I’m Coming From: Memoirs of American Youth, 1995; Francisco Jimenez, The Circuit: Stories from the Life of a Migrant Child, 1997; Lori Carlos, ed., American Eyes: New Asian-American Short Stories for Young Adults, 1994)

 

-       les cultures transnationales des jeunes : les différences entre les littératures des jeunes en Amérique du Nord et en Europe, ainsi que les manières dont elles s’influencent mutuellement (Christine Beigel, Jean Molla, Stéphanie Benson en France ; Annika Thor, Johanna Thydell, Arne Sungen en Suède ; Melvin Burgess en Grande-Bretagne)

 

-       les récits de vie (les mémoires graphiques, les journaux intimes, la fiction (auto)biographique, les témoignages ainsi que les modèles postcoloniaux et/ou transnationaux qu’ils proposent (Malala Yousafsai, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, 2014)

 

-       les questions de santé (anorexie, boulimie, cancer, VIH et Sida) et leur traitement dans la littérature pour jeunes adultes (Janet Bode, Food Fight, 1997; Diana Sharples, Running Lean, 2013; John Green, Nos étoiles contraires, 2012; Courtney Sheinmel, Positively, 2009); la violence sexuelle (Sapphire, Push, 1996)

 

-       le genre de la “school story” et sa transformation au fil du temps, ainsi que les adaptations cinématographiques qui en ont été faites, de Jane Eyre, David Copperfield et Une paix séparée à Harry Potter, Glee et Beverley Hills 90210.

 

-       le développement des espaces virtuels d’écriture et des communautés de lecteurs par le truchement d’applications telles que Wattpad : peut-on considérer que le succès de ces pratiques constitue une forme de concurrence faite au monde de l’imprimé ou est-ce qu’ils le renforcent ? Est-ce qu’ils remplacent les journaux intimes traditionnels? Quelles innovations stylistiques et linguistiques apportent-ils?

 

-       le regard posé par les photographes (comme la Sud-Africaine Michelle Sank par exemple) sur l’adolescence, la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte? La photographie de rue et les projets collaboratifs apportent-ils un éclairage spécifique sur les jeunes? L’art du portrait est-il une manière d’amener le public à poser un autre regard sur l’adolescence?

 

 

Les propositions de communication de 300 mots environ, accompagnées d'une courte notice biographique, sont à envoyer conjointement à Delphine Letort (delphine.letort@univ-lemans.fr) et Elisabeth Lamothe (elisabeth.lamothe@univ-lemans.fr) pour le 15 septembre 2015.

 

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